PROPOSITION DE RÉSOLUTION VISANT LA TRANSPARENCE DU PROCESSUS D’ACCÈS AUX PLACES D’ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE

DÉPOSÉE LE 26 JUIN 2017 PAR MME CATHERINE MOUREAUX ET M. DIMITRI LEGASSE ET MME MURIEL TARGNION ET M. PATRICK PRÉVOT ET MME ISABELLE EMMERY

Développements

Idéalement, l’accessibilité des milieux d’accueil devrait être garantie pour tous. En effet, l’accueil de la petite enfance assure trois fonctions importantes1,2,3,:

  • Une fonction éducative, qui favorise l’épanouissement de l’enfant en développant ses compétences ;

  • Une fonction sociale, de soutien à la parentalité et de création du lien social ;

  • Une fonction économique, permettant aux parents de poursuivre leur vie professionnelle, de suivre une formation, de rechercher un emploi ou d’effectuer des démarches dans ce sens.

La fonction économique est évidente pour tous aujourd’hui et nous ne la développerons pas. Notons juste qu’elle est essentielle en termes de développement de l’égalité hommes-femmes.

En ce qui concerne la fonction de soutien à la parentalité, elle « se concrétise, par exemple, par un soutien de type socio-sanitaire, en permettant à l’enfant d’évoluer dans un milieu de vie adapté (hygiène, sécurité matérielle et affective, respect des rythmes, etc.), ce qui est particulièrement important lorsque le logement familial ne le permet pas. Ou encore par un soutien éducatif ; en offrant aux parents des lieux où ils sont confrontés à d’autres pratiques éducatives que les leurs, le milieu d’accueil permet à ceux-ci de se construire des repères pour éduquer leur enfant»4. En outre, les milieux d’accueil travaillant dans un climat d’ouverture et de dialogue avec les familles favorisent la création de liens entre parents et le développement d’une relation de partenariat entre parents et professionnels, valorisant ainsi les compétences des parents. Ils remplissent une fonction de lien social : « le milieu d’accueil est un lieu de (re)socialisation parentale car les parents peuvent y rencontrer les professionnels qui prennent soin de leur enfant, mais aussi d’autres parents »5.

Quant à l’aspect éducatif, il est primordial pour tous les enfants. La fréquentation d’un milieu d’accueil participe de fait au développement de l’enfant, tant par l’acquisition du savoir-être que par celles des savoir-faire. Il semble désormais acquis qu’une socialisation en milieu d’accueil à partir de l’âge de six mois est favorable au développement, et, à partir de un an, très favorable au devenir de l’enfant6.

De plus, il est reconnu aujourd’hui que, pour les enfants issus de milieux à faible niveau de revenu, l’accueil précoce en milieu d’accueil contribue à réduire les inégalités de développement7.

Or, malgré l’ouverture de plusieurs milliers de places d’accueil via les différents plans cigogne, l’accès à un milieu d’accueil comporte encore de nombreux freins. Dans certaines régions, les listes d’attentes des milieux d’accueil s’allongent. L’accessibilité pleine et entière des milieux d’accueil n’est pas garantie pour tous les enfants en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Par ailleurs, de nombreux parents sont démunis face aux démarches à effectuer en vue de confier leur enfant en milieu d’accueil. Les procédures sont en fait aussi variées que les milieux d’accueil.

L’information sur l’évolution du rang dans la liste est extrêmement difficile à obtenir et dans certains cas, les parents se retrouvent sans indication précise sur les possibilités d’accueil. Cette situation entraîne de grands espoirs suivis de déconvenue, de dépit. Par manque d’information en temps utile, de nombreux parents doivent revoir leur organisation professionnelle ou leurs différentes démarches de formation, en particulier à l’occasion d’un refus d’inscription tardif. Selon l’enquête menée par la Ligue des Familles en 2015, 54% des parents se disent stressés par la recherche d’un milieu d’accueil8 en Belgique francophone. Les témoignages pointent principalement comme source de stress la carence d’informations et le délai d’attente avant la réponse définitive.

Ainsi la transparence constitue un outil essentiel du processus d’accès à une place d’accueil dans les milieux d’accueil de la petite enfance afin de permettre aux parents une organisation optimale de leur vie professionnelle et de leur vie privée. L’instauration d’un système plus transparent dans les modalités d’inscription permet de lutter efficacement contre les discriminations basées sur l’origine ou le statut socio-économique subies ou ressenties par certains parents. Pour les pouvoirs publics, il s’agit d’une question de bonne gouvernance et d’affirmation de l’égalité de traitement entre tous les citoyens.

Dans le contexte de pénurie de places, il est indispensable de fermer la porte à tout abus et à tout régime qui ne serait pas basé sur des éléments objectifs. Tous les parents doivent pouvoir connaître, et ce à tout moment, les procédures d’inscription ainsi que les procédures de classement et d’évolution de rang dans les listes d’attente. Cette transparence doit être garantie pour tous les milieux d’accueil subventionnés.

Enfin, la transparence est également un outil de pilotage du système. Lorsque la transparence est acquise, l’évaluation des demandes peut enfin prendre place dans le système. En effet, aujourd’hui le pilotage de la politique publique d’accueil se base quasi exclusivement sur une norme en termes d’offre. Les demandes ne sont pas connues au niveau de la Communauté française. La transparence est un premier pas vers la connaissance accrue des demandes exprimées et des demandes rencontrées.

Notons qu’en Flandre, un seul opérateur local est reconnu et les parents savent où aller pour s’informer et s’inscrire. L’idée d’un guichet local unique pour l’accueil de la petite enfance semble de fait appropriée si l’on veut avancer vers une simplification des procédures d’inscription et une centralisation telles que voulues par la déclaration de politique communautaire.

Notons aussi qu’il existe un autre moment où les démarches pourraient être rappelées à tous les parents : c’est l’enregistrement de la naissance au guichet communal.

Bien évidemment, améliorer l’accessibilité aux milieux d’accueil passe aussi par d’autres mesures. D’un point de vue financier, l’adaptation de la participation financière des parents aux revenus des parents est une mesure qui va dans le sens d’une plus grande accessibilité. Aujourd’hui, l’ensemble de l’offre des milieux d’accueil n’applique pas ce principe. Ceci limite dès lors l’impact positif du système.

Enfin d’un point de vue géographique, l’accessibilité concerne quant à elle la localisation des milieux d’accueil et les possibilités de les atteindre. La programmation des milieux d’accueil collectifs doit évidemment tenir compte de ce paramètre important.

Proposition de résolution visant la transparence du processus d’accès aux places d’accueil de la petite enfance

Le Parlement

Vu les objectifs fixés par le Conseil européen de Barcelone en 2002 : d’ici à 2010, mettre en place des structures d’accueil pour 90 % au moins des enfants ayant entre trois ans et l’âge de la scolarité obligatoire et pour au moins 33% des enfants âgés de moins de trois ans ;

Vu la Déclaration de politique communautaire 2014-2019 qui marque la volonté du Gouvernement d’améliorer l’accessibilité des milieux d’accueil, de simplifier la recherche de solutions d’accueil et les procédures d’inscription, notamment en proposant une gestion centralisée des inscriptions et des listes d’attentes pour les milieux d’accueil subventionnés ;

Vu le contrat de gestion de l’Office de la Naissance et de l’Enfance 2013-2018 qui prévoit que l’Office proposera une réforme du secteur de l’accueil de 0 à 3 ans et que cette réforme intégrera les thématiques des modalités d’inscriptions et d’accessibilité sous toutes ses dimensions (financière, géographique, culturelle, inclusion, diversité des familles, etc.) ;

Considérant la croissance démographique très importante dans certaines zones de la Fédération Wallonie-Bruxelles ;

Considérant le contexte de pénurie de places d’accueil en Fédération Wallonie-Bruxelles ;

Considérant que les milieux d’accueil subventionnés peuvent être considérés comme un service public fonctionnel ;

Considérant que le processus d’accessibilité des places est dépendant du milieu d’accueil et/ou du pouvoir organisateur ;

Considérant qu’il n’existe pas aujourd’hui la garantie que ce processus soit transparent ;

Demande au Gouvernement :

1. De prendre, en vue de garantir l’accessibilité sociale et culturelle des milieux d’accueil de la petite enfance, toutes les dispositions nécessaires afin:

  • d’informer les parents des procédures d’inscription, de classement et d’évolution dans les listes d’attente. Sont visées notamment les informations suivantes : démarches à entreprendre, critères de priorités, dates de confirmation de l’inscription, implications d’une inscription multiple, conséquences du refus d’une place d’accueil.

Ces informations doivent être accessibles au moins via les canaux suivants: site de l’ONE, site du pouvoir organisateur, site du milieu d’accueil, document accessible dans les milieux d’accueil, document accessible dans les locaux des permanences organisées pour les inscriptions.

De plus, lors des permanences organisées par les pouvoirs organisateurs, ces informations doivent être données et expliquées oralement. Un document écrit reprenant ces informations doit être remis lors de la permanence.

  • D’assurer la communication auprès des parents des démarches à entreprendre pour obtenir une place dans un milieu d’accueil lors des consultations prénatales organisées par l’ONE.

  • de permettre à chaque parent de connaître son ordre dans la liste d’attente et d’avoir, le cas échéant, une explication de l’évolution de celui-ci.

Par ailleurs, lors de l’inscription effective de l’enfant ou de l’enfant à naître sur une liste d’attente, un reçu doit dans tous les cas être remis au parent.

  • d’étudier la possibilité de développer des guichets locaux d’accueil d’enfants, considérant que ces guichets locaux sont des outils préalables à la création d’une centralisation, telle que préconisée dans la Déclaration de politique communautaire.

  1. Demande au Gouvernement de travailler à la mise en œuvre des mesures de la Déclaration de politique communautaire 2014-2019 qui visent à renforcer l’accessibilité des milieux d’accueil de la petite enfance sur les plans social, géographique et financier notamment en élargissant et en adaptant le système de participation financière des parents à toutes les structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants percevant des financements publics.

1 RIEPP asbl, Les milieux d’accueil de la petite enfance et leurs travailleurs créateurs de lien et vecteurs essentiels d’inclusion sociale, www.riepp.be/IMG/pdf/Analyse_2_role_MA_lutte_pauvrete.pdf ;

2 Dusart, A.-F., Mottint, J., Roose, A., Van Cutsem, S., sous la direction de Humblet, P. C., Recherches préparatoires à l’accompagnement des politiques communales d’accueil extrascolaire de la Région bruxelloise, Université Libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Unité Politiques et Services à l’Enfance, février 2002 ;

3 Vandenbroek, M., In verzekerde bewaring, honderdvijftig jaar, kinderen, ouders en kinderopvang, Amsterdam, 2004.

4 Dusart, A.-F., Accueil atypique en Communauté française : à la recherche des conditions optimales d’accueil, ers une politique d’égalité d’accès pour tous, Centre d’Expertise et de Ressources pour l’Enfance, Bruxelles, décembre 2007 ;

5ibidem

6Rapport Eurydice : L’essentiel des politiques éducatives – Education et accueil des jeunes enfants, 2014.

7 Rapport Eurydice, L’éducation et l’accueil des jeunes enfants en Europe : réduire les inégalités sociales et culturelles, 2009.

8 Le Ligueur des Parents : « La crèche : 54% des parents sont stressés par la recherche d’une place dans la structure d’accueil », 18/11/2015.