En avril dernier (avril 2018), je m’inquiétais déjà de la mise en péril de ce projet à destination des personnes âgées fragilisées par les autorités fédérales. Ce mercredi 4 juillet, le Ministre n’a pas su me rassurer sur une issue positive pour le projet et ses patients. Il a tout au plus annoncé: « si aucun soutien à la mesure des résultats qualitatifs déjà atteints par le projet n’est envisagé, nous en tirerons les conclusions et examinerons la manière dont la Cocom pourrait le soutenir »

Compte-rendu des débats:

Mme Catherine Moureaux (PS).- En avril dernier, je vous interrogeais sur la mise en péril du projet Dionysos. Pour rappel, il s’agit d’une initiative du service de santé mentale Rivage den Zaet. Le projet Dionysos est agréé par la Cocom et financé par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami) dans le cadre du Protocole 3 « alternatives de soins visant le maintien des personnes âgées à domicile ».
On parle ici de soutien à un réseau de soins de personnes âgées et fragiles de plus de 60 ans. Il s’agit de cas souvent très complexes et le travail effectué a reçu une évaluation positive à de nombreux égards. Ce travail consiste en une coordination autour du patient. On pourrait parler de « case management ».
L’évaluation montre une meilleure utilisation des soins de santé, un moindre recours aux urgences, une diminution des cas de dépression, une meilleure utilisation des soins de première ligne et une meilleure adaptation lors de l’intégration dans une maison de repos.
En avril dernier, vous m’aviez répondu en commission qu’après de nombreux échanges intercabinets dans le cadre du groupe de travail maladies chroniques, vous étiez parvenu à convaincre les autorités fédérales de maintenir les financements actuels pour les projets qui présentaient une réelle valeur ajoutée.
Monsieur le ministre, le projet Dionysos représente-t-il une valeur ajoutée pour vous ? Les nouvelles exigences mises en place semblent rendre impossible au porteur du projet de répondre à l’appel d’offre du niveau fédéral.

En effet, les derniers éléments négociés imposent des conditions difficiles – voire impossibles – à remplir pour Dionysos pour répondre à l’appel à projets, comme celle d’avoir le diplôme d’infirmier pour être « case manager ».
Le 23 mai dernier, en commission de la Santé publique à la Chambre, la ministre fédérale a répondu à une question de mon collègue André Frédéric sur l’évaluation des projets en faveur des personnes âgées dans le cadre du Protocole 3. Il en est ressorti que le budget de 12.277.000 euros est bien garanti jusqu’en 2020, mais seulement pour les projets qui répondent au nouvel appel à projets.
Sur ces 12 millions, Bruxelles est actuellement, et de loin, la moins bien servie des Régions, avec un petit million. Si la convention négociée reste dans l’état actuel, il est fort probable que plus aucun projet bruxellois ne soit financé par le Protocole 3 demain.
Dans sa réponse, la ministre fédérale de la Santé a déclaré que les derniers éléments et conditions ont fait l’objet d’une consultation récente du groupe de travail maladies chroniques au sein de la commission interministérielle de la santé publique.
Aujourd’hui, une pétition a été signée plus de 1.000 fois contre la mise à mort de ce projet. Quels contacts avez-vous noués avec les autorités fédérales au sujet de ce projet ?

Quelle était votre position sur la convention proposée lors de la dernière réunion du groupe de travail maladies chroniques au sein de la commission interministérielle de la santé publique ?

Quelles étaient les positions respectives des autres ministres représentés ?

Avez-vous envisagé des solutions alternatives à l’échelle régionale si aucune solution n’était trouvée en concertation avec l’État fédéral?

Va-t-on vers la fin des projets bruxellois dans le cadre du Protocole 3 ?

M. Didier Gosuin, membre du Collège réuni.- En avril dernier, j’avais déjà fait état de la situation de l’ensemble des projets Protocole 3 du niveau fédéral, en insistant sur le fait qu’à mes yeux il était important que le projet bruxellois Dionysos puisse se poursuivre.

Pourquoi ? D’abord, parce que le projet apporte une réelle plus-value. En effet, le cœur de l’activité du projet Dionysos vise à restaurer le lien entre les différents acteurs de l’aide et des soins et la personne âgée en situation de crise.

Ensuite, j’observe que l’évaluation de ce projet met en avant une meilleure coordination des soins, une concertation professionnelle entre les acteurs de l’aide et des soins, un moindre recours aux urgences et, sans nul doute, une meilleure adaptation à l’intégration du milieu résidentiel.

Certes, l’objectif de maintenir les personnes âgées plus longtemps à domicile n’a pas été atteint, par aucun des projets d’ailleurs. Par contre, je le répète, les conditions qui entourent l’institutionnalisation ont largement évolué. Si les objectifs n’ont pas été atteints sur l’aspect quantitatif, force est de constater que, sur le volet qualitatif, des avancées ont été réalisées. Ce projet offre une réponse aux questionnements qui se posent dans le cadre du vieillissement de notre population et de l’évolution des maladies cognitives.
Intervenir dans les situations de crise, restaurer les liens et les relations entre les prestataires, les aidants informels et les patients pour rendre possibles l’aide et le soin de proximité sont sans nul doute le défi qu’il convient de relever dans l’accompagnement de nos aînés. C’est là, selon moi, que le projet Dionysos montre toute son innovation.
Je reviens un instant sur les conclusions de l’équipe scientifique qui, depuis le début, a accompagné l’ensemble des 62 projets en Belgique. Les chercheurs ont tenté de trouver des solutions permettant d’augmenter l’efficacité des soins en améliorant le bien-être de la personne âgée tout en diminuant les coûts liés à ces soins.
Parmi les nouvelles pistes testées, c’est l’intervention d’un « case manager » qui semble être la plus efficace. Il s’agit d’une personne – infirmier-e, aide-soignant-e, ergothérapeute, etc. – qui joue le rôle de conseiller auprès de la personne âgée. Dans une situation d’organisation de soins très complexe, son rôle est d’aider à identifier le service ou le soin le plus approprié dans la durée. Une évaluation globale de la situation de la personne âgée doit être faite grâce à l’instrument BelRAI qui permet la réalisation d’un plan de soins avec l’ensemble des intervenants du domicile, en ce compris les proches et les aidants informels.
L’étude des scientifiques a clairement démontré l’efficacité du « case management » : réduction de l’utilisation des services d’urgence des hôpitaux, meilleure offre de soins infirmiers à domicile, réduction importante des coûts des services facturés, notamment à l’Inami, au travers d’une mutualisation des moyens.

Enfin, l’action du « case manager » améliore aussi nettement, et c’est sans doute le plus important, la qualité de vie des personnes âgées dépendantes et le ressenti des aidants proches. Notre objectif bruxellois est de renforcer l’intégration des soins, notamment pour les personnes nécessitant des soins de longue durée. J’espère que nous pourrons maintenir l’expertise acquise dans le projet Dionysos et la mettre au service de nos concitoyens.
Les négociations avec le niveau fédéral ne sont pas terminées. Pas plus tard que ce lundi, lors de la conférence interministérielle, à l’occasion de l’état des lieux dans le cadre du suivi des projets pilotes de soins intégrés « maladies chroniques », j’ai interpellé la ministre de la Santé publique sur la question du projet bruxellois – c’est le seul. Sur les 12 millions qui sont accordés au niveau de la Belgique, il y a un petit million pour les Bruxellois, et il serait encore question de le supprimer. Il n’y aurait donc plus aucun projet bruxellois sur ce budget de 12 millions. Vous imaginez bien que je vais interpeller tout ce que le gouvernement fédéral compte de Bruxellois pour que cela ne se passe pas ainsi.

Mme Catherine Moureaux (PS).– J’étais interpellée parce que je cherchais qui était de Bruxelles dans le gouvernement fédéral. On tombe sur Didier Reynders, mais c’est vrai qu’il n’a toujours pas l’image d’un vrai Bruxellois. Ce que je dis là va plaire à Vincent De Wolf.

M. Didier Gosuin, membre du Collège réuni.– J’ai réitéré mon inquiétude quant au maintien de ce projet, tout en soulignant sa spécificité, sa valeur ajoutée au niveau qualitatif, et le fait qu’il représente, pour le gouvernement fédéral, un retour sur investissement – argument auquel il devrait être sensible. La balle est donc clairement dans le camp de la ministre fédérale de la Santé publique et de son gouvernement. De plus, nous ne sommes pas au bout des négociations. Des rencontres sont encore prévues avant les vacances parlementaires.
Une réunion se tiendra tout à l’heure entre des membres de mon cabinet et les promoteurs du projet Dionysos. Tout cela requiert du temps et de l’énergie.

Si le projet ne répond pas aux critères fixés dans le nouvel appel à projets lancé par le niveau fédéral, si aucun soutien à la mesure des résultats qualitatifs déjà atteints par le projet n’est envisagé, nous en tirerons les conclusions et examinerons la manière dont la Cocom pourrait le soutenir. Néanmoins, je ne veux pas m’engager pour ne pas créer de précédent. Déjà que la Cocom est malmenée avec la sixième réforme de l’État, il ne faut pas en plus lui demander de se substituer à l’Inami !

Chers collègues, dans ce pays, où tout se détricote en permanence, je ne peux que regretter ces méthodes. Le citoyen en tirera peut-être des conclusions. Il a d’ailleurs déjà exprimé son incompréhension dans diverses pétitions. J’espère que les responsables en tiendront compte. Il ne s’agit pas pour nous de renforcer à tout prix des structures existantes, mais de favoriser la collaboration des acteurs autour des personnes âgées et d’investir de manière importante dans l’accompagnement des cas les plus complexes.

Mme Catherine Moureaux (PS).– Ce qui me revient du secteur, c’est que le problème n’est pas uniquement bruxellois. La limitation imposée aux « case managers » dans la proposition de convention – qui restreint cette fonction au métier d’infirmier – poserait certainement problème en Flandre et probablement aussi en Wallonie. Autrement dit, c’est tout le Protocole 3 qui est ici en question : son avenir, le ratage de la réforme de l’État en ce qui le concerne et les adaptations nécessaires.
En ce qui concerne Dionysos, ce qui est frappant, c’est que c’est un projet pour lequel on parle toujours aujourd’hui d’efficience en santé. Le consortium universitaire a noté, au niveau fédéral, un retour sur investissement sur moins d’un an. Et malgré cela, on peine à le perpétuer.

Du côté du terrain, on attire mon attention sur le fait que, si l’obligation d’être infirmier pour devenir « case manager » devait bloquer des projets en Belgique – et donc pas seulement à Bruxelles -, cela entraînerait aussi une perte de l’expertise acquise pendant huit ans et le licenciement potentiel de 143 équivalents temps plein.

Des milliers de personnes âgées et fragiles se retrouveraient dépourvues d’un service dont on a démontré l’efficacité. C’est assez perturbant.
J’entends que vous ne voulez pas vous substituer au gouvernement fédéral. Je pense qu’il s’agit typiquement d’une plage de compétences malmenée par la réforme de l’État. Il faut trouver un accord entre les entités fédérés et l’État fédéral pour le plus grand profit des patients. Partager les frais du budget actuel pourrait être une piste de solution.
J’entends que vous ne voulez pas vous engager à dégager un subside à partir de 2019 si aucune solution fédérale n’était trouvée. Je le comprends. Mais j’espère de tout cœur que, si cette solution faisait défaut demain, nous en trouverions une pour ce projet. J’espère également que la résolution se fera rapidement car des dizaines de travailleurs attendent d’être fixés sur leur sort. Certains ont déjà décidé de quitter – autant d’expertise perdue dans un bon projet.
Il s’agit donc d’avancer avec force avant les vacances. Et, puisque vous êtes ministre de la Santé des Bruxellois, n’hésitez pas à recourir à la presse et à tout argument qui pourrait convaincre de l’importance de ce dossier le peu de Bruxellois dans ce gouvernement fédéral.

Il n’y en a qu’un ! C’est peu et c’est petit. Je ne suis pas sûre que cela va nous aider, mais il faut essayer. Je vous encourage donc à engager la bataille pour les Bruxellois uniquement, même si je pense que, derrière, il y a la nécessité de s’unir avec les autres entités fédérées sur cette question du « case management ». Je pense en effet, vu l’avancement de ce dossier, que vous allez recevoir du soutien des autres entités fédérées.

 

Mon intervention en avril dernier: http://catherinemoureaux.be/le-gouvernement-federal-met-en-peril-le-projet-bruxellois-dionysos-de-soutien-des-personnes-agees-fragilisees/

Pour signer la pétition, c’est ici: https://secure.avaaz.org/fr/petition