En tant que laïque et démocrate, je suis souvent interpellée par ce que je juge être une application inadaptée et infondée de principes auxquels je suis pourtant viscéralement attachée. Notre démocratie est malmenée aujourd’hui par certains de ses ennemis les plus irréductibles. Et notre combat pour elle doit être sans concession. Mais son dévoiement par ceux qui prétendent la défendre en l’atténuant doit également être implacablement dénoncé.

J’ai fait le choix d’inscrire mes enfants dans l’École Publique. Parce qu’elle me semble être le seul lieu où les idéaux de liberté et d’égalité peuvent être transmis et valorisés. Lorsque que je me rends dans les établissements concernés, je croise d’autres mamans. Ce qui me saute aux yeux en leur présence, ce n’est pas le voile qui recouvre certaines d’entre elles mais plutôt leur aspiration, légitime, à toutes, à assurer un avenir meilleur pour leurs enfants. Rien ne saurait justifier que ces citoyennes voient leurs droits fondamentaux réduits en raison d’une conception discutable de la neutralité.

Une grave violence symbolique

Bien sûr, l’École doit être un sanctuaire pour les enfants. L’Ecole doit leur permette d’accéder à l’émancipation, quelles que soient l’origine culturelle ou sociale de leurs parents. Elle doit aussi être un lieu d’exercice d’une citoyenneté critique et ouverte. L’apprentissage de celle-ci s’avérera précieuse lorsqu’ils seront amenés en tant qu’adulte à devenir des acteurs de notre société démocratique. Dès lors, on peut se poser la question du message qui leur est transmis lorsqu’ils voient leurs mères subir ce que l’on peut qualifier de discrimination institutionnalisée. Et qui constitue à tout coup, une grave violence symbolique.

Même dans la très laïque République française, il s’est trouvé des voix, et non des moindres pour refuser de traiter de manière différenciée des mères qui n’ont pour seul tort que celui de porter un signe convictionnel. De Najat Vallaud Belkacem à Caroline Fourest, personnalités pouvant difficilement être perçues comme complaisantes envers les religions, nous avons entendu une opposition claire en France à ce que les mamans voilées soient exclues d’activités scolaires auxquelles d’autre parents avaient accès.

« Accomodement raisonnable »

Je peux entendre et même comprendre les craintes de certains par rapport à la résurgence du fait religieux dans notre société. Les mêmes fustigent les « accommodements raisonnables » qu’ils vouent aux gémonies. Formée à la Médecine dans une université dont la devise est que « la science vaincra les ténèbres », je suis convaincue qu’il faut protéger la liberté de conscience et rejeter les dogmes. Je tiens toutefois à rappeler que la Belgique repose sur un gros, un énorme « accommodement raisonnable »!

Se trouve en effet dans la constitution le droit des parents de choisir un enseignement confessionnel subsidié par l’État ou de choisir un cours de religion dans enseignement organisé par les pouvoirs publics… La paix scolaire a été au prix de l’inscription dans la Constitution de ces droits.

A côté de cela, s’opposer à ce que certaines mamans accompagnent leurs enfants lors de sorties scolaires apparaît comme bien tristement dérisoire. Notons que cette participation des mamans concourt par ailleurs à une notion importante: le vivre ensemble.

Un espace de liberté pour tous

Aujourd’hui une partie de notre population juge que la liberté et l’égalité des enfants sont menacées par cette application étroite du principe de neutralité. Ceci devrait pouvoir être entendu. Sauf à considérer comme souhaitable que certains parents quittent l’enseignement officiel pour aller vers la concurrence ce que je me refuse à faire.

Les parents sont des partenaires essentiels de l’École. Leur adhésion au projet éducatif de l’établissement est primordial pour l’épanouissement de l’enfant. Si l’on veut qu’enfants et parents se réapproprient certains concepts en soi positifs, comme celui de neutralité, alors l’autorité publique doit être irréprochable dans la valorisation des principes de liberté et d’égalité. C’est cette voie qui permettra à la laïcité d’être vécue comme un espace de liberté pour tous et non comme un mur d’intolérance isolant une minorité.

Catherine Moureaux est Présidente du Groupe PS au Parlement francophone bruxellois