Question de Mme Catherine Moureaux à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée «Rapport du KCE sur la performance de notre système de santé»
Mme Catherine Moureaux (PS). – En collaboration avec l’INAMI et l’Institut scientifique de la santé publique (ISP), le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) vient de publier son rapport 2015 sur la performance du système de soins de santé belge.
Au moyen d’une série d’indicateurs mesurables, ce «check-up» de notre système de soins s’inscrit dans une démarche de monitoring visant à informer et à interpeller les autorités, ainsi invitées à déterminer leurs priorités.
Parmi les critères mis en évidence, j’aimerais vous interroger sur la soutenabilité de notre système de santé, et notamment sur la capacité de notre système à fournir les ressources humaines nécessaires pour offrir une réponse adéquate à l’enjeu des soins de santé.
Le rapport met en évidence des effectifs insuffisants pour répondre aux futurs besoins de santé. Le nombre de médecins généralistes et d’infirmiers est particulièrement préoccupant.
La médecine générale souffre, entre autres, d’une carence d’image qui nuit à son attractivité. La part des jeunes médecins qui s’engagent dans cette voie a atteint 28 % en 2013. Selon la Commission de planification, le chiffre idéal est de 40 %.
La Belgique compte près de 47 jeunes infirmiers diplômés pour 100 000 habitants, ce qui la place juste au-dessus de la moyenne européenne. Néanmoins, cette comparaison est biaisée par la proportion d’étudiants étrangers qui repartent travailler dans leur pays d’origine. La proportion d’étudiants infirmiers titulaires d’un diplôme de bachelier aurait légèrement diminué ces dernières années. Bien que le nombre de diplômés en sciences infirmières ait augmenté ces dernières années, le nombre d’infirmiers par patient dans nos hôpitaux reste plus faible qu’ailleurs. Vous êtes chargé de l’agrément de ces professionnels. Confirmez-vous ces données?
La densité de médecins généralistes et d’infirmiers pourrait devenir problématique si une pénurie de nouveaux diplômés devait intervenir dans certains secteurs. Ce bilan rejoint les nombreux débats qui ont animé la commission de l’Enseignement supérieur. Le maintien d’un contingentement devient, en dépit du bon sens, un frein réel à l’accessibilité des soins et, de manière plus générale, à leur efficience.
L’âge moyen des généralistes continue à augmenter et les quotas établis par la Commission de planification ne sont pas atteints depuis plusieurs années. Comment pourrons-nous assurer le fonctionnement optimal des soins de première ligne?
Il y a quelques jours, la presse évoquait également une pénurie de médecins hématologues. Certains hôpitaux doivent désormais faire appel à des médecins pensionnés.
Que pensez-vous du bilan dressé par le KCE? Quelle réflexion menez-vous avec la ministre fédérale de la Santé?
M. Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice et de la Promotion de Bruxelles. – Madame la Députée, la problématique de la pénurie est, comme vous le savez, complexe et ses différents aspects concernent plusieurs niveaux de pouvoir. Ainsi, il revient au ministre-président de fixer les sous-quotas en médecine et en dentisterie. Toutefois, comme il l’a déjà souligné à plusieurs reprises, ces sous-quotas sont fixés en fonction des quotas. Ce sont surtout ces derniers qui posent question. Ils sont au cœur des discussions toujours en cours entre le ministre Marcourt et la ministre De Block qui, à l’heure actuelle, n’envisage pas leur relèvement.
Nous sommes en outre toujours en attente d’un cadastre dynamique, qui permettrait d’aborder la question de manière plus objective. Mme De Block n’a plus convoqué de réunion sur ce thème depuis la dernière Conférence interministérielle Santé publique, qui a eu lieu en juin 2015.
La fixation des sous-quotas en tant qu’instrument de lutte contre la pénurie ne suffit pas. Le ministre-président rencontrera prochainement les acteurs du secteur pour évoquer cette problématique. Il s’agit d’une indication pour les universités, mais aucune sanction n’est envisageable si les chiffres ne sont pas atteints.
L’essentiel est de rendre la profession de médecin généraliste plus attractive. La Fédération Wallonie-Bruxelles ne dispose pas des leviers pour améliorer l’attractivité, qui tient par exemple à la pénibilité des gardes ou à la nomenclature INAMI qui, comme vous le savez, sont des compétences fédérales. L’attractivité peut aussi être augmentée si un soutien est offert à l’entrée de la carrière. Il s’agit, par exemple, des fonds d’impulsion, qui relèvent de la Wallonie et de la COCOM.
Concernant les infirmiers, le nombre d’inscriptions dans les écoles a doublé en cinq ans, ce qui est positif. Toutefois, l’attractivité de la profession elle-même dépend aussi de l’État fédéral. Le ministre-président profite d’ailleurs de votre question pour exprimer ses interrogations sur les intentions de Mme De Block en ce qui concerne le futur du paysage de l’art infirmier dans le cadre de la transposition de la directive qui augmente le niveau d’exigence pour obtenir le titre d’infirmier. Cette question s’inscrit dans le contexte de la recommandation formulée, fin décembre 2015, par la Commission de planification d’établir un plan pluriannuel pour maintenir un équilibre entre l’offre et la demande en personnel infirmier afin de garantir des soins de qualité à la population.
Mme Catherine Moureaux (PS). – Il est très important que le ministre-président se saisisse du rapport du KCE pour aller voir la ministre de la Santé, car la situation en Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas la même que du côté néerlandophone. Malheureusement, à un moment ou l’autre, des responsabilités devront être dégagées. Elles seront partagées si la voie empruntée est celle de la pénurie.