A la suite d’une première question sur l’intervention accueil et les données chiffrées fournies, j’interrogeais ce 12 mai 2015 pour connaître la véritable efficacité de ce mécanisme :

Mme Catherine Moureaux (PS). – À la suite de ma question écrite sur les interventions d’accueil et des tableaux chiffrés que vous nous aviez transmis, je reviens vers vous afin d’obtenir quelques éclaircissements.

J’ai essayé d’interpréter ces chiffres, mais je souhaiterais que vous confirmiez ou non ce qui suit. Si l’on calcule le rapport entre les enfants en âge de fréquenter un milieu d’accueil dans une commune et le nombre d’interventions «accueil de base» selon le domicile de l’enfant, on constate de nettes différences entre les différentes communes francophones de notre pays.

Ainsi, selon les chiffres que vous m’avez transmis, dans la commune d’Anderlecht qui compte   pourtant un grand nombre d’enfants et dont le taux de pauvreté est assez élevé – 42 pour cent, selon  une étude de 2013 réalisée conjointement par l’IGEAT à l’ULB et la KUL –, seul 3,8 pour cent des  enfants en âge de fréquenter un milieu d’accueil ont reçu une intervention «accueil de base». C’est très peu en comparaison avec la commune d’Uccle par exemple où le taux de demandes d’interventions «accueil de base» est pratiquement de dix pour cent.

Si l’on prend les valeurs extrêmes, on est à plus de 20 pour cent à Spa et à Libramont, à plus de 40 pour cent à La Bruyère et à moins d’un pour cent à Amblève et à Eupen. Ces chiffres ne correspondent pas à la carte de la pauvreté dont j’ai parlé tout à l’heure.

Comment expliquer ces différences et le fait que ces chiffres ne soient pas plus élevés dans les communes où la population est particulièrement fragilisée? Confirmez-vous cette analyse? Quelle est votre interprétation de ces données? Le fait de se baser sur le domicile des enfants pour les interventions «accueil» – numérateur – et sur le lieu d’implantation du milieu d’accueil – dénominateur  – est- il un élément important à prendre en compte? Selon moi, cela devrait être le cas pour certaines communes qui accueillent beaucoup de navetteurs ou des communes plus petites où il y a peu de milieux d’accueil, mais je ne pense pas que cela puisse expliquer les résultats obtenus. Si vous expliquez en grande partie ces variations par ce facteur, ne pourrait-on prendre en considération que la commune où l’enfant est domicilié sans tenir compte du lieu d’implantation du milieu d’accueil?

Je sais que, conformément au contrat de gestion, vous travaillez avec l’ONE à une refonte des mécanismes de participation parentale et d’intervention pour que toutes les familles puissent bénéficier d’un accueil pour leurs enfants.

Quelles conclusions tirez-vous des chiffres présentés? Les procédures actuelles ont-elles tendance à décourager les familles fragilisées de mettre leur enfant en crèche? Je pense notamment au plafond de revenus qui est relativement bas. En région bruxelloise, une femme seule qui a un enfant à mettre en crèche se situe d’office en dessous de ce plafond. Raison de plus pour s’interroger sur les chiffres très bas que l’on trouve dans la plupart des communes bruxelloises.

Vous connaissez évidemment mon point de vue, je crains que le manque de places d’accueil pour les enfants ait des conséquences sur la recherche d’emploi et de formation dans les familles, sur l’égalité entre les hommes et les femmes et, surtout, sur le bon développement des enfants. C’est une question importante que nous aurons l’occasion d’étudier longuement durant cette législature.

Mme Véronique Salvi  – Puisque nous aborderons un peu plus tard la question de la lutte contre la précarité à l’ONE, je ne pouvais pas ne pas me joindre à cette interpellation.

Déjà en 2011, le Conseil d’avis de l’ONE avait remis un avis en la matière et constaté que la mesure n’avait pas atteint les objectifs fixés, mais qu’elle avait plutôt engendré des lourdeurs administratives, tant pour les milieux d’accueil que pour les parents. Ma collègue vient d’ailleurs de citer une série d’exemples.

Les publics à faibles revenus ne semblaient pas bénéficier de cette mesure autant que prévu. Dès lors, le Conseil d’avis préconisait à l’époque de ne pas renouveler la mesure sous la forme d’une intervention «accueil» sans pouvoir l’évaluer de manière approfondie. Ce même Conseil demandait par ailleurs l’affectation de ce budget à la création de places d’accueil et/ou à la diminution structurelle de la participation financière parentale.

Profitant de cette interpellation, Madame la Ministre, j’aimerais savoir si aujourd’hui des alternatives sont éventuellement envisagées à l’intervention «accueil». La véritable question est encore et toujours la suivante: comment aider les familles à bas revenus dont un enfant fréquente actuellement le milieu d’accueil? Mon groupe aimerait savoir si une réflexion est en cours pour l’instant à l’ONE. Je reviendrai sur la lutte contre la précarité dans une autre de mes questions inscrite aujourd’hui à l’ordre du jour de notre commission.

La Ministre – Sur quels chiffres vous êtes-vous basée?

Mme Catherine Moureaux. – J’ai travaillé sur base des chiffres que vous nous avez donnés en commission il y a trois semaines. J’ai analysé l’année 2011.

La Ministre – J’ai ici les chiffres de 2013 que je peux vous communiquer. La question est assez technique. Le nombre d’enfants en âge de fréquenter un milieu d’accueil dans une commune ne correspond pas forcément au nombre d’enfants inscrits dans un milieu d’accueil puisque tous les enfants de moins de trois ans ne fréquentent pas une structure d’accueil.

Certaines personnes préfèrent faire garder les enfants chez un parent, mais il existe également une dimension socioculturelle. Les taux d’inscription sont également influencés par la présence de ménages plus fragilisés sur le plan socioéconomique où l’épouse ne travaille pas, parfois pour des questions culturelles, et qui préfèrent ne pas s’adresser à des milieux d’accueil.

Ces situations peuvent partiellement expliquer la différence entre les chiffres d’Uccle où beaucoup de femmes travaillent et ceux d’Anderlecht qui est peuplé d’une nombreuse population d’origine étrangère et de femmes ne travaillant pas.

Il faut également tenir compte de la dynamique communale et des investissements associatifs.

Je voudrais souligner que les démarches à effectuer par les parents pour le paiement d’une intervention «accueil», à l’aide du formulaire remis par le milieu d’accueil, me paraissent complexes et devront être modifiées. C’est ainsi que certains parents ne renvoient pas le formulaire. De plus, certaines communes devraient revoir leur aide aux citoyens dans les démarches administratives.

Nous devrons, lors des prochaines réformes, assouplir et mieux expliquer les démarches à effectuer. En ce qui concerne le pourcentage de versement d’interventions de base entre les différentes communes, seuls les parents ayant envoyé une demande ont pu bénéficier ou non d’une intervention Ils ne représentent pas forcément l’ensemble des parents de la commune et je ne suis pas certaine de la clarté de l’information diffusée.

Le fait de travailler sur la base du domicile des enfants pour les interventions «accueil» – au numérateur – et sur la base du lieu d’implantation du milieu d’accueil – au dénominateur – peut constituer un élément important dont nous devrons tenir compte. Sur ces bases, les calculs peuvent être différents et conduire à une vision plus objective de la situation.

Dans les chiffres relatifs à l’intervention «accueil » qui vous ont été remis précédemment, se trouvait un tableau présentant la répartition du nombre total de formulaires de demande de l’intervention «accueil» réceptionnés en 2011 et 2012, selon la commune où l’enfant était domicilié.

Ce nombre est ensuite réparti en fonction du type d’intervention et non de la non-éligibilité des documents.

Nous menons actuellement une réforme complète de l’accueil qui tient compte de toutes ces questions et qui devra tirer des différentes analyses réalisées des conclusions concernant les disparités, les taux de couverture et la nécessité de cibler les stratégies de communication et de sensibilisation sur les milieux plus défavorisés et de leur fournir une information plus claire.

Les procédures actuelles d’inscription peuvent bien sûr décourager certains parents en raison de leur manque de clarté et de leur complexité. C’est pourquoi le contrat de gestion prévoit une révision de la procédure d’inscription ainsi qu’une simplification administrative aussi bien pour les parents que pour les structures, y compris la en ce qui concerne participation financière des parents.

Nous demanderons que les milieux les plus défavorisés soient particulièrement pris en compte.

Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté explique bien dans un rapport que les familles fragilisées estiment ne pas avoir droit aux services d’accueil. On a peur d’entrer dans une crèche comme on a peur d’entrer dans une école que l’on estime réservées à des femmes qui travaillent.

Tous ces éléments sont actuellement discutés au sein de l’ONE à l’occasion de la réforme des milieux d’accueil.

Mme Catherine Moureaux– Corroborez-vous les chiffres que je vous ai présentés?

La Ministre – Il faudra comparer avec 2013, mais votre analyse me semble assez opportune.

Mme Catherine Moureaux  – Si aujourd’hui le pourcentage tel que je l’ai calculé reflète la prise en charge des familles les plus fragilisées, la Fédération Wallonie-Bruxelles ne parvient pas à offrir un accueil à ces familles de manière adéquate.

Nous sommes certes dans un contexte de pénurie de places: nous connaissons les récents débats en Flandre.

J’aimerais vous entendre sur l’agenda de la réforme et souhaiterais que vous joigniez également le rapport du Réseau wallon dont vous avez parlé. Votre réforme va-t-elle privilégier une participation financière parentale adaptée plutôt qu’un mécanisme correctif a posteriori? Il est beaucoup plus simple pour la famille et les structures de savoir d’emblée combien va coûter une place en milieu d’accueil, que d’avancer les sommes et remplir des formulaires pour récupérer les montants versés en trop, etc.