Mme Catherine Moureaux (PS). – Dans le cadre de l’accord que vous avez pris avec la ministre fédérale de la Santé, accord que vous avez, pour votre part, respecté depuis le début, un concours en fin de première année de médecine a été instauré. Ce concours fait suite à l’organisation d’une évaluation non contraignante durant la session de janvier.

Cette année, les étudiants qui ont participé à cette évaluation, pouvaient, comme l’an passé, opter pour un allègement de leur première année, une réorientation ou un abandon. Selon des chiffres parus récemment dans Le Soir, 1 800 étudiants auraient fait un de ces choix dans l’ensemble de la Fédération.

Sur les 3 000 inscrits au départ, 1 200 étudiants resteraient en course. Toujours selon cet article du journal Le Soir, leurs chances de réussite varient fortement selon l’institution fréquentée. À l’UCL, 370 étudiants se «disputeraient» les 164 places attribuées à l’établissement, ce qui porte l’estimation des chances de réussite à 44 %.

À Liège, ce pourcentage atteindrait 65 %. Et, ce qui apparaît comme une surprise – ce qui vaut d’ailleurs à l’article son titre –, ce taux, calculé selon la même méthode, atteindrait 100 % à l’ULB. Autrement dit, l’ensemble des étudiants encore en lice aujourd’hui pourraient passer le concours.

Monsieur le Ministre, confirmez-vous ces chiffres?

Concernant les 1 800 étudiants, dispose-t-on d’une analyse détaillée par institution, qui permettrait de distinguer et de quantifier ceux qui ont arrêté leurs études, se sont réorientés ou encore ont allégé leur première année?

S’il existe des différences marquées entre établissements, comment les expliquez-vous?

Pensez-vous, comme plusieurs acteurs, que certaines institutions puissent dans une certaine mesure «anticiper» le concours pour sélectionner dès janvier les étudiants – ce qui n’est évidemment pas conforme à l’esprit de la législation?

M. Philippe Henry (Ecolo). – Monsieur le Ministre, l’instauration d’un système de contingentement ne pouvait que créer une certaine inégalité entre étudiants d’années différentes et d’institutions différentes, d’autant que chaque institution gère comme elle l’entend la session de janvier et le concours.

On n’allait forcément pas aboutir à une probabilité de réussite identique à la veille du concours dans tous les établissements. Cependant, ici, les taux de probabilité varient du simple au double, sans compter, dans le cas d’une institution, la certitude pour les étudiants d’être sélectionnés!

Cela pose différentes questions. Jusqu’où peut aller la disparité entre institutions dans le niveau de sélection de l’examen de janvier? On peut difficilement interpréter cela autrement que par la volonté de certaines institutions d’être plus sélectives en janvier. À moins que les étudiants d’une institution particulière ne soient spécialement faibles cette année? J’imagine que l’explication est autre.

Par ailleurs, le témoignage du doyen de l’ULB, selon lequel « la réussite en janvier a été exactement la même que les années précédentes » est encore plus surprenant: cela signifie que le quota de l’ULB ne sera pas atteint. La liberté académique est ce qu’elle est, mais n’est-il pas possible d’avoir sur ce plan plus de cohérence entre les institutions? Cela met aussi en doute l’esprit de la sélection. Dans l’institution concernée, le concours ne va servir à rien: même s’ils remettent une feuille blanche, les étudiants seront sélectionnés!

C’est un signal très particulier qui leur est envoyé. Il est incontestable qu’il existe une vraie inégalité entre institutions: aujourd’hui, un étudiant qui est en passe de présenter sa première session à l’ULB ne doit pas consacrer de temps à la préparation de l’épreuve puisqu’il sera d’office sélectionné. Cette situation ne manque pas de m’interpeller.
Selon votre analyse et les chiffres dont vous disposez, il s’agit d’une situation exceptionnelle, mais ce n’est pas ce qui ressort des témoignages. Monsieur le Ministre, comment les quotas par institution seront-ils fixés pour les années suivantes?

On risque de se retrouver dans une situation où une institution ne remplissant pas son quota, le quota global ne sera pas atteint, et où la sélection sera dès lors plus forte que prévu. La fixation des sous-quotas à neuf ans pourra-t-elle être revue de manière anticipée, sachant que vous devez fixer cette sélection d’ici la fin du mois de juin? Avez-vous prévu cette année une évaluation du système et de son fonctionnement?

En relisant les travaux parlementaires, j’ai été d’autant plus surpris d’apprendre que le système avait été choisi notamment sur la base des analyses de l’ULB sur les taux de réussite en première session et en fin d’année! Cette information est reprise dans les comptes rendus des travaux parlementaires. Comment s’y retrouver? Ce cas est-il tout à fait particulier? Aura-t-il des conséquences sur la mise en place du système? La mise en œuvre du concours ne présente-t-elle pas un vice structurel?

M. Benoit Drèze (cdH). – Monsieur le Ministre, je ne vais pas reprendre les chiffres cités par Mme Moureaux. Je vais plutôt vous interroger sur un aspect complémentaire de sa question: 1 800 étudiants, soit 60 %, sont déjà «hors concours». Certains ont abandonné avant la session de janvier, d’autres ont décidé d’alléger leur première année ou de se réorienter. Ce nombre vous apparaît-il important? Comment l’expliquez-vous? D’autres études que la médecine connaissent-elles un aussi grand nombre d’échecs à ce stade? Cela m’interpelle d’autant plus qu’il existe des mécanismes d’aide à la réussite qui précèdent les épreuves de janvier. Parmi eux, nous retrouvons notamment une formation préalable destinée aux rhétoriciens, un test d’orientation avant le début de l’année académique et des activités de remédiation durant l’été ou le premier quadrimestre. Ces mécanismes sont-ils efficaces? Les at-on évalués? Est-on sûr que les étudiants en médecine en ont bénéficié durant le premier quadrimestre? Qu’en disent les universités?

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Voltaire disait qu’il faut se méfier des apparences et que de loin, une tour carrée peut paraitre ronde.

J’ai reçu des doyens des facultés de sciences médicales les statistiques de réussite de leurs étudiants à l’issue des épreuves de la fin du premier quadrimestre.

Sur les 2 997 étudiants inscrits, 54 ne se sont pas présentés aux examens; 607, dont une majorité d’étudiants répétants, ont sollicité une réorientation; 923 bénéficient d’un allégement de programme, l’immense majorité étant des primo inscrits; 1 413 sont donc admis à poursuivre. Si le taux de réussite doit être considéré comme la proportion d’étudiants amenés à présenter le concours de juin rapporté au nombre d’inscrits dans la filière, celui-ci s’établit à 47,1 % pour les cinq facultés.

Il reprend à la fois les étudiants primo-inscrits, les étudiants répétants et ceux en poursuite d’allégement de programme. Les deux premières catégories sont parfois admises à poursuivre avec une proposition de remédiation au cours du deuxième quadrimestre.

Pour les primo-inscrits, ce taux s’élève à 40,5 %. Ces taux de réussite ne sont pas fondamentalement différents des années antérieures. Par contre, une analyse plus fine révèle des différences entre institutions. À l’ULB, le taux de réussite est de 40,7 % pour l’ensemble de la cohorte admise à poursuivre après la session de janvier qui comprend 24,7 % d’étudiants primo-inscrits, 31,1 % d’étudiants répétants et des étudiants en poursuite d’allégement de programme pour les deux premières catégories.

Remarquons que ces taux de réussite sont similaires voire supérieurs à ceux des années antérieures. Il n’y a donc pas lieu de penser que les épreuves de janvier auraient été plus sélectives mais le faible nombre d’étudiants qui présenteront le concours est à mettre en lien avec la diminution de 25 % d’inscrits dans les facultés de médecine à la rentrée de 2015. À ces deux premières catégories d’étudiants primo-inscrits et répétants s’ajoutent les étudiants en poursuite d’allégement qui sont, pour cette année uniquement, dispensés de présenter le concours en cas de réussite au vu des conditions fixées dans leur convention d’allégement.

À l’ULB, 100 % de ceux-ci ont réussi la session de janvier. Ainsi, au total, 96 étudiants présenteront le concours pour un solde d’attestations de 115. S’ajouteront 85 étudiants en poursuite d’allégement qui, en cas de réussite académique, constitueront la cohorte d’étudiants en bloc 2 lors de la prochaine rentrée académique.

À l’UCL, le taux de réussite pour l’ensemble de la cohorte est de 54,4 %. Notons que les primoinscrits ont un taux de réussite de 44,4 %, les répétants, de 60,4 %, et les étudiants en allégement, de 73,9 %.

À l’ULg, le taux de réussite de la cohorte admise à poursuivre est de 41,2 %; à l’Université de Mons, de 51,6 % et à Namur, de 45,5 %. Une analyse particulière des statistiques de réussite des étudiants répétants et de ceux bénéficiant d’une convention d’allégement est intéressante. Les plus faibles taux de réussite des étudiants répétants sont à l’ULB et à Mons, respectivement 31,1 % et 37,2 %.

Les plus forts taux de réussite se trouvent à l’UCL, avec 60 %, et à Namur, avec 49,2 %. Ils sont inversement proportionnels aux taux de réussite des étudiants en allégement puisque tous ont réussi à l’ULB et à Mons alors qu’ils ne sont que 73,9 % à l’UCL et aucun à Namur. Ce dernier fait s’explique car il n’y avait pas d’étudiants répétants namurois alors qu’ils étaient 33 à l’UCL, 85 à l’ULB et 99 à Mons.

Ces diverses données démontrent que les attitudes des uns et des autres ont été différentes dans l’approche des mécanismes d’aide à la réussite, et plus particulièrement concernant l’allègement du programme. Les institutions qui ont privilégié l’allègement du programme pour leurs étudiants ont moins d’étudiants répétants, d’une part, et de meilleurs taux de réussite des étudiants en allègement, d’autre part.

Cela démontre que les étudiants qui ont bénéficié d’un allègement de programme disposent effectivement de grandes chances de réussite, par effet d’inversion lorsque le nombre de répétants est plus important. C’est dû notamment au fait que les allègements de programme sont moins nombreux, voire inexistants.

Devant ces mêmes chiffres, d’autres estiment que les établissements ont laissé à leurs étudiants l’opportunité de développer leurs connaissances pendant toute l’année et de se voir sélectionnés sur des bases plus médicales, à savoir les matières enseignées au second quadrimestre. Cette seconde analyse trahit une intervention plus volontaire de la part des académiques dans leurs évaluations et le souci de laisser un maximum d’opportunités d’apprentissage à leurs étudiants. Les deux attitudes relèvent, de toute façon, de la liberté académique.

Il conviendra de confirmer les tendances observées à la lecture des résultats académiques des épreuves du deuxième quadrimestre. Un autre élément qui mérite réflexion est le dispositif de la réorientation. Les doyens des facultés de médecine mènent actuellement une étude à ce sujet. Ce mécanisme permet à l’étudiant qui n’est pas en phase avec son choix d’orientation originel de solliciter son admission dans une autre filière.

Ce choix peut être posé par l’étudiant jusqu’au 15 février. Les doyens préparent une analyse de suivi de ces étudiants, notamment au moyen d’une enquête sur les performances académiques de ces étudiants dans la filière de leur réorientation. Il apparaît que leurs résultats se situent dans la moyenne, voire au-dessus.

Ces analyses demandent une confirmation, mais tendent à montrer que cette réorientation concrétise également un volet important de l’aide à la réussite proposée. Pour être complet, je tiens à signaler que conformément au décret du 9 juillet, le concours est organisé dans toutes les facultés concernées. Je rappelle, par ailleurs, que pour accéder à la suite du programme du cycle, les étudiants devront également avoir acquis au moins 45 crédits.

Toujours selon l’article 110/4, § 2 in fine du décret, si une institution délivre moins d’attestations que le nombre autorisé, le solde est ajouté au nombre d’attestations disponibles pour l’année académique suivante. À ce sujet, les statistiques développées semblent démontrer qu’il n’y a pas eu de volonté d’appliquer une sélection avant l’heure pour l’année prochaine, considérant l’exception portant cette année sur les étudiants en allègement et qui n’existera plus lors des exercices ultérieurs.

Le nombre d’étudiants admis à poursuivre se trouvera forcément plus élevé. Je considère donc la situation de cette année académique comme particulière. Considérant les méthodes de calcul qui ont présidé à la répartition des attestations entre institutions, je ne pense pas qu’il y ait une discrimination entre les étudiants.

Pour conclure, je voudrais aborder la question de l’évaluation du système et de l’utilisation par les étudiants des différentes aides qui leurs sont proposées. D’une part, les statistiques, dont je vous ai fait part démontrent une utilisation à géométrie variable des différentes aides que constituent les réorientations et allègements.

Là où l’allègement est davantage utilisé, il y a moins d’étudiants répétants. Certains se sont réellement approprié les aides à leur disposition. Quant aux aides fournies aux étudiants en amont de la session de janvier, l’évolution à la hausse des taux de réussite des étudiants primo-inscrits, tend à démontrer qu’elles ont effectivement porté certains fruits.

Certains doyens m’ont fait part de l’investissement particulièrement important de leurs étudiants aux activités d’apprentissage et d’encadrement mis en place. D’autre part, concernant l’évaluation du mécanisme, les nombreux contacts établis avec les doyens et le suivi des statistiques de réussite à l’issue des épreuves de fin de deuxième quadrimestre, nous permettront de mesurer l’impact du concours sur la cohorte d’étudiants en sciences médicales et dentaires, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Mme Catherine Moureaux (PS). – Monsieur le Ministre, je vous remercie pour cette réponse très détaillée. Je prendrai le temps d’examiner tous les chiffres dans le détail. Je voudrais toutefois vous poser une question car je ne suis pas certaine d’avoir bien compris votre propos. Vous avez dit que l’ULB a décidé de soutenir davantage la logique de l’allègement et a, de ce fait, d’excellents taux de réussite auprès de ceux qui ont choisi cette formule. Vous avez mentionné le chiffre de 96 étudiants, cité également dans l’article du journal Le Soir.

Par ailleurs, vous ajoutez le chiffre de 85, qui serait le produit des allègements. Si je comprends bien, l’analyse faite par le journaliste sur le taux de 100 % n’est plus correcte. Faut-il prendre en compte le calcul 96 + 85? Pouvez-vous m’éclairer sur ces chiffres?

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Cette année, et exclusivement cette année, les étudiants en allègement n’étant pas considérés comme répétants sont dispensés du concours. Ce point avait d’ailleurs fait l’objet de débats en commission.

Tous les étudiants ayant décidé d’alléger leur première année et qui vont réussir 45 crédits vont pouvoir entrer en deuxième baccalauréat sans restriction. Le concours ne s’adresse qu’aux 96 autres. Il y aura donc bien cette année un reliquat donné à l’ULB qui sera reporté l’année prochaine et qui augmentera le nombre d’attestations disponibles. Mais si nous prenons le cas théorique – qui n’a pas lieu de s’appliquer – selon lequel, partant du fait que l’année prochaine, les nombres seront invariants et qu’il y aura bien 96 étudiants auxquels s’en ajouteront 85, produit des allègements, il y aura alors plus de candidats qui devront passer le concours que d’attestations disponibles.

Mme Catherine Moureaux (PS). – Les institutions ont appliqué les possibilités qui leur étaient offertes de manière différenciée, ce qui explique les différences observées. Les conclusions des journalistes étaient étonnantes. Je relirai ces chiffres et reviendrai ensuite vers vous.

M. Philippe Henry (Ecolo). – Monsieur le Ministre, je vous remercie pour votre réponse très détaillée qui mérite d’être analysée dans le détail. J’en comprends néanmoins les grandes lignes. Je ne peux toutefois pas vous suivre quand vous dites qu’il n’y a pas de discrimination entre les étudiants. Comme il s’agit d’une sélection, nous ne jouons que sur l’ordre des places. Au niveau global de toutes les institutions, des étudiants ne seront pas repris.

Cette année-ci, exceptionnellement, ceux d’une université sont sûrs d’être repris. C’est comme si ce concours n’existait pas pour eux. Ils doivent juste réussir leurs examens.

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Ils doivent s’en réjouir!

M. Philippe Henry (Ecolo). – Pour eux, c’est bien, mais nous ne pouvons pas dire que les situations soient identiques. Cependant, cela ne jouera que sur la concurrence entre les étudiants des autres universités, sur l’ordre des places puisque, comme je le disais, il n’y a pas assez de place pour tous.

Cette situation m’interpelle, mais je comprends qu’elle ne se pose que cette année. En tenant compte des reports et des étalements, elle ne se présentera plus, sauf si le nombre de candidats diminuait ou dans le cas d’un haut taux d’échec l’année prochaine. À ce stade, on ne peut évidemment pas le prévoir. Pour le reste, le système en lui-même reste détestable. Nous savons qui l’impose et nous n’en débattrons pas aujourd’hui.

Nous constatons les effets qu’il peut produire. Je crois qu’il faudra suivre très concrètement les résultats des différentes épreuves. Les chiffres de cette année m’interpellent. Avec les reports et les étalements, la perspective change. Cela met en
évidence la différence, assez marquante, de sélection ou d’orientation des étudiants selon les universités. Cette situation mérite d’être examinée de près.

M. Benoit Drèze (cdH). – Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour vos réponses détaillées qui seront certainement suivies d’une évaluation dans les mois qui viennent. Je note que cette année de transition est particulière. Si ce n’était pas le cas, nous devrions remettre en question le mécanisme de l’ULB. Je serai attentif aux dispositifs d’aide à la réussite que vous avez évoqués. Cette réflexion devrait être approfondie.