Mme Catherine Moureaux (PS). – Aujourd’hui, la création de places en Fédération Wallonie-Bruxelles est une priorité du gouvernement et on ne peut que s’en réjouir.

Une réforme globale de l’accueil de la petite enfance est en préparation, notamment sur la PFP, participation financière parentale. Les choses avancent; nous vous soutenons et nous vous en félicitons.

Lors de la dernière commission Enfance, vous avez déclaré que nos politiques devaient impérativement permettre aux personnes à indice socioéconomique faible qui ne sont pas nécessairement à la recherche d’un emploi de placer leurs enfants dans des structures d’accueil.

La non-fréquentation d’un milieu d’accueil est effectivement extrêmement nuisible pour le devenir de ces enfants, sur le plan du langage, mais aussi pour tous les autres apprentissages de base, notamment le savoir-être. Des acquis, comme vous l’avez rappelé, très importants pour le parcours scolaire à venir.

Je vous soutiens pleinement dans la mise en œuvre de cette vision volontariste de lutte contre les inégalités sociales grâce à l’outil que constitue la prise en charge en milieu d’accueil.

Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas dans mon chef de soutenir une obligation pour toutes les familles et tous les enfants de fréquenter les milieux d’accueil, mais bien d’en donner l’opportunité dans le plus grand nombre de cas. Et je fais le lien, une nouvelle fois dans cette thématique, avec le baromètre de la Ligue des familles. Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer ici, lors de la dernière commission, l’échantillon des parents testés dans le baromètre de la Ligue était biaisé, avec une surreprésentation certaine des familles à niveau de vie plus élevé.

Autrement dit, si cette enquête très qualitative vient utilement compléter les données d’offre que nous examinons régulièrement sous forme de taux de couverture, elle ne donne pas beaucoup d’informations sur les demandes et les besoins de l’ensemble des parents, et en particulier, sur les parents qui ont une situation socioéconomique plutôt modeste.

Le baromètre relaie par ailleurs que «l’autre solution de garde» pour les parents qui en souhaitent une aujourd’hui est essentiellement celle des grands-parents, avec toutes sortes de questions à la clé, ce qui, évidemment, en dit long sur les possibilités de certaines familles.

En effet, partant de l’idée que pour l’enfant, la socialisation précoce, à partir de 6 mois, et dans tous les cas à partir d’un an, est un élément favorable en termes de développement, les familles qui ne pourraient pas choisir le sort réservé à leur enfant, et devraient de facto, avec ou sans grands-parents, ne pas pouvoir bénéficier de l’apport de la crèche ou du milieu d’accueil, pourraient légitimement se revendiquer d’une injustice marquée en termes d’égalité des chances. Pour conclure, je pense que nous devons pouvoir offrir des solutions de garde à tous les parents qui en ont le besoin, qu’ils en formulent ou pas aujourd’hui la demande explicite.

Aussi voici mes questions:

Madame la Ministre, disposez-vous d’une analyse des besoins?

Quelles sont les différences entre les subrégions et Bruxelles?

Avez-vous des données chiffrées?

D’où proviennent-elles?

Quels sont les constats que vous en tirez?

Concernant l’analyse des demandes, avez-vous les chiffres des demandes émises et de leur devenir?

Avez-vous une analyse des demandes rencontrées et non rencontrées par région et subrégion?

Quelle analyse pouvez-vous faire de ces chiffres?

Je pense que si l’on veut mettre en œuvre la vision volontariste que vous avez émise lors de notre dernière réunion, et que nous soutenons au groupe socialiste, il est essentiel d’avoir une vision claire de la situation actuelle et, en particulier, un diagnostic partagé en ce qui concerne les besoins et les demandes.

Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance. – Je constate comme vous un manque d’outils permettant d’avoir une vision plus exacte de la demande tant pour le monde de l’enseignement que pour celui de la petite enfance.

Comme l’explique le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, les places d’accueil ne sont pas toujours disponibles là où les besoins sont les plus pressants. À tout le moins, il constate un manque d’égalité de traitement entre territoires à indices socioéconomiques différents.

Mesurer ces besoins demande une approche et des outils autres que ceux utilisés pour évaluer les demandes introduites. Il faut estimer les besoins des familles autres que celles qui introduisent des demandes de places d’accueil classiques et, à défaut, proposer à ces familles des offres auxquelles elles n’ont peut-être pas pensé, mais qui sont indispensables pour sociabiliser l’enfant. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’ONE de plancher sur une approche nouvelle. Sera ainsi mis au point très prochainement un dispositif visant à centraliser sur internet les informations relatives aux demandes d’inscription et à mettre à la disposition des parents les outils d’information nécessaires.

Nous pourrions au moins estimer les demandes de manière généralisée et par le biais d’un outil unique. Je veillerai à ce que les demandes prises en compte ne se limitent à celles portant sur une place à temps plein. Seront également retenues les demandes de garderie, les demandes de mamans qui doivent se reposer parce qu’elles sont seules à s’occuper de leur enfant, etc.

Nous devrions de la sorte disposer d’une vision un peu plus affinée que l’offre de crèche classique. Par ailleurs, nous nous emploierons, sur la base d’une analyse sociologique des territoires, à déployer des stratégies d’offres diversifiées, y compris dans des endroits comptant de nombreuses personnes primo-arrivantes ou précarisées où la demande d’accueil classique n’est pas massive, mais où l’on sait qu’il est fondamental que l’enfant passe par une structure.

Tout cela rentre dans les objectifs de la réforme du milieu d’accueil qui vise notamment à diversifier au maximum l’offre en termes d’horaire, de souplesse, de taille des structures d’accueil, d’opérateurs (gardiennes conventionnées ou accueil plus collectif). Nous pourrions également envisager des prises en charge de quelques heures ou jours par semaine dont le seul objectif ne serait pas la garde stricto sensu, mais qui viserait à éveiller l’enfant à la rencontre avec l’autre, à la langue, à la musique, etc. Mme

Catherine Moureaux (PS). – Madame la Ministre, j’ai une suggestion à vous faire. Je pense qu’aujourd’hui, de manière générale, l’ONE ne s’occupe pas suffisamment des besoins globaux de la population et qu’il s’occupe plutôt de son public déjà acquis, que ce soit lors des consultations prénatales, et surtout, postnatales, ou encore lors du suivi des enfants et dans les crèches sous supervision.

D’une certaine manière, cela s’explique: nous devons aussi tenir compte de l’historique de l’Office. Mais il y a certainement un moment où l’ONE touche tous les parents et tous les enfants: c’est le premier contact dans les maternités entre un travailleur médico-social (TMS) et la maman qui vient d’accoucher.

Ce moment pourrait être adéquat pour évaluer les besoins. Certes, toutes les informations ne peuvent pas être recueillies en maternité, mais les souhaits en termes de garde, de situation familiale, de besoins pourraient y être détectés – une maman qui a déjà six enfants aura, par exemple, besoin d’un répit.

C’est un moment où l’ONE peut récolter des informations extrêmement pertinentes. Je n’ai pas pu relire, avant cette commission, les questionnaires utilisés par les TMS en maternité. J’aurais souhaité le faire. Je pense néanmoins que certains items sont utilisables dans un logiciel statistique et qu’ils pourraient nous donner une information sur les besoins. S’ils ne suffisent pas, il serait peut-être judicieux d’envisager de développer cet aspect dans le questionnaire utilisé en maternité.