Cette question sur l’avenir des pôles d’attraction interuniversitaires a fait l’objet dans un débat dense en commission. Vous pouvez retrouver le compte rendu des discussions ci-dessous:

Mme la présidente. – Je vous propose de joindre les quatre questions.

M. Olivier Maroy (MR). – Vous venez de conclure un accord avec votre homologue flamand en charge de la Recherche, Philippe Muyters, au sujet des pôles d’attraction interuniversitaires (PAI). Depuis de nombreuses années, ce programme fédéral de soutien à la collaboration entre universités permet aux chercheurs du nord et du sud du pays de travailler en réseau et de contribuer ainsi au rayonnement international de la Belgique.

L’avenir de ce dispositif était menacé à la suite de la sixième réforme de l’État. Grâce à l’accord intervenu, ces indispensables collaborations vont pouvoir perdurer. Je me réjouis de cette excellente nouvelle pour nos chercheurs. Concrètement, les pôles seront dorénavant cogérés par les Fonds de la recherche scientifique FRS-FNRS et son homologue flamand, le Fonds Wetenschappelijk Onderzoek (FWO). Les nouveaux projets démarreront en janvier 2018, pour une durée de quatre ans. La FWB y injectera 14 millions d’euros chaque année; la Flandre, 17 millions.

Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la sélection des nouveaux projets? Qui s’en chargera? Comment la procédure se déroulera-t-elle? Quels seront les critères d’octroi et les éventuels plafonds d’intervention? Une clé de répartition est-elle prévue?

Mme Caroline Persoons (DéFI). – Mes questions rejoignent celles de mon collègue. Effectivement, la communauté scientifique belge doit faire face à une double contrainte qui est de trouver des moyens suffisants pour ses travaux de recherche tout en continuant à en assurer l’excellence.

Ces contraintes sont intrinsèquement liées à la structure institutionnelle de notre pays qui multiplie les interlocuteurs – universités, Régions, Communautés, fonds de recherche, niveau fédéral, niveau européen et secteur privé. Nous savons tous qu’une collaboration intense et au plus haut niveau est garante d’une recherche de qualité et efficace. Il est impératif d’unir nos forces pour répondre de manière pertinente à toute question scientifique d’envergure.

Ces coopérations scientifiques sont soutenues depuis 1987 en matière de recherche fondamentale et d’excellence à l’échelle du pays et dans des domaines très variés par le biais des pôles d’attraction interuniversitaires (PAI). Il me paraît important de souligner l’étendue du travail réalisé, car il représente 47 projets de recherche, impliquant 369 équipes, finançant directement plus de 500 chercheurs qui font paraître 2000 publications.

Au mois d’août 2014, les réseaux lançaient l’alerte, car une menace pesait sur leur travail. Alors que leur principal intérêt réside dans l’échelle fédérale de leur organisation, la sixième réforme de l’État condamnait ces pôles à la communautarisation. Vous aviez répondu précédemment à des interpellations en précisant qu’il avait été décidé de confier au Fonds de la Recherche scientifique (FRS-FNRS) et au Fonds Wetenschappelijk Onderzoek (FWO) le soin de préparer la transition et d’envisager la possibilité et la faisabilité d’une coordination de la poursuite du programme PAI au-delà de 2017.

Sept phases ont été financées dont la phase VII qui couvre la période 2012-2017 avec un budget total de 150 millions. Le 5 juillet dernier, l’Écho clame au sujet de l’avenir de la recherche universitaire que la sixième réforme n’aura pas eu raison des relations entre chercheurs à l’échelle du pays. Les difficultés inhérentes à la communautarisation semblent résolues puisque vous venez de conclure un accord avec votre homologue Philippe Muyters pour les quatre ans à venir, durée moyenne des projets de recherche.

La Flandre investira 17,7 millions d’euros et la Fédération Wallonie-Bruxelles 13,9 millions d’euros dans les différents programmes. Les nouveaux programmes pourront ainsi démarrer dès 2018. Quel sera le cadre budgétaire global de la phase VIII? Quelle est la clé de répartition adaptée? Quelle sera l’organisation générale des nouveaux PAI? Comment les établissements scientifiques fédéraux seront-ils impliqués dans ces PAI? Comment les deux fonds communautaires ont-ils réglé la question de la portée de ce programme commun et de la visibilité internationale des réseaux de recherche soutenus? Comment sera favorisé le cofinancement en provenance de l’Union européenne, ce dernier étant organisé principalement par État membre? Comment est composé le Comité d’accompagnement?

Mme Catherine Moureaux (PS). – L’année passée, je vous interrogeais sur l’avenir de la recherche scientifique en Fédération WallonieBruxelles et notamment sur les inquiétudes du monde scientifique quant au devenir des pôles d’attraction interuniversitaires (PAI). Il s’agissait d’un programme unique et précieux de financement – alors fédéral – qui permettait aux universités du nord et du sud du pays de travailler en réseaux et de contribuer ainsi non seulement à notre excellence, mais également au rayonnement international de la Belgique et de nos universités.

Vous nous aviez alors rassurés sur l’importance que vous accordiez à ces recherches interuniversitaires et sur votre volonté de trouver une solution d’avenir. Restait à convaincre votre homologue flamand. La semaine dernière, il semble que vous soyez parvenu à trouver un accord avec le ministre Muyters pour que ce programme de soutien à la collaboration interuniversitaire entre équipes d’excellence en recherche fondamentale des deux Communautés puisse continuer d’exister.Je vous en félicite!

Dans la foulée, j’ai quelques questions sur les modalités concrètes de collaboration qu’implique cet accord.

Comment sera financé le programme concrètement?

Comment les projets seront-ils sélectionnés à l’avenir?

Qui sera en charge de cette sélection et de l’évaluation des projets?

Sur quels critères aura lieu la sélection?

La fin du programme fédéral étant fixée au 30 septembre, comment assurer le suivi du mécanisme jusqu’au début janvier 2018, date à laquelle devraient, d’après nos informations, débuter les nouveaux projets? Afin de respecter ce délai, quand l’appel à projets sera-t-il lancé?

M. Philippe Henry (Ecolo). – Je reviens sur les pôles d’attraction interuniversitaires que nous avons évoqués à plusieurs reprises et à propos desquels vous aviez affirmé votre volonté de poursuivre la collaboration scientifique entre les universités malgré la sixième réforme de l’État.

Pouvez-vous faire le point à ce sujet? Il semble que vous ayez conclu un accord avec votre collègue flamand. Pouvez-vous nous en préciser la teneur exacte? J’imagine qu’un accord de coopération interviendra ultérieurement. Quel est le calendrier prévu? L’accord fixera les différentes étapes de discussion entre les deux ministres, mais aussi entre les organes représentatifs des chercheurs, différentes réunions ayant été annoncées. Qu’en est-il du processus d’évaluation des projets pour le nouvel appel à projets et les projets en cours?

Quelles sont les prochaines étapes dans ce dossier des PAI? M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Tout d’abord, revenons quelque temps en arrière. Plusieurs centaines de chercheurs avaient demandé que soit poursuivie cette politique de pôles d’attraction interuniversitaires, croyant que la sixième réforme de l’État sonnait le glas de leur avenir.

J’avais alors été marqué par le fait que la réaction arrivait après l’adoption de la loi spéciale, ce qui est tout de même un peu particulier. À l’époque, nous avions indiqué la volonté de poursuivre ces pôles. J’avais directement pris contact avec mon homologue responsable de la recherche à la Communauté flamande.

Nous avions alors installé un groupe de travail entre les cabinets et les agences chargées de la recherche. Comme j’ai pu en informer le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, un accord a été conclu avec la Communauté flamande au sujet de la poursuite de la collaboration scientifique entre les équipes universitaires de notre pays. Il ne s’agit pas simplement de faire comme avant, en important purement et simplement le modèle tel qu’il existait.

Nous profiterons de l’occasion pour recréer un programme ambitieux qui place l’excellence comme critère central du choix et du classement de projets de recherche fondamentale, associant les équipes universitaires des deux Communautés. L’accent sera placé sur l’objectivité et la transparence dans le processus d’évaluation des propositions, basé sur le principe de l’évaluation par les pairs (peer review) au niveau international.

Il s’agit d’un accord sur cette nouvelle approche dont les détails doivent évidemment encore être finalisés. Le Fonds national de la recherche scientifique (FNRS) et le Fonds Wetenschappelijk Onderzoek (FWO) seront associés à la suite des travaux de préparation et chargés ensemble de la mise en œuvre de ces projets de recherche financés sur une durée de quatre ans. Le budget annuel sera approximativement de 32 millions d’euros.

Cette somme provient du transfert résultant de la sixième réforme de l’État. Il n’y a pas, en l’état, de cofinancement par l’Union européenne. Comme par le passé, les projets pourront associer des partenaires issus de l’étranger et des établissements scientifiques fédéraux. Contrairement à ce qui a pu être maladroitement compris, les projets ne sont évidemment pas encore sélectionnés et n’existent pas encore puisque tout le processus va être mis en œuvre de manière à ce qu’il n’y ait pas de césure entre la fin du programme actuel et le début du nouveau programme.

Tel que je vous l’ai annoncé, un appel à projets sera ouvert avant la fin de l’année, laissant ainsi le temps aux équipes de préparer leurs propositions, ainsi qu’au FNRS et au FWO d’effectuer ensemble l’évaluation et le classement de celles-ci avant le démarrage prévu pour janvier 2018.

M. Olivier Maroy (MR). – La réponse du ministre démontre que quand on veut, on peut. Cet accord en est la preuve. Il témoigne en tout cas de la capacité des entités fédérées de surmonter leurs différences. Le message qu’envoient ces autorités est clair: la recherche fondamentale est un enjeu majeur.

Seul dans son coin, on n’arrive à rien et il faut fédérer les énergies pour assurer notre rayonnement. L’objectif est atteint et je m’en réjouis. Il y a de quoi démentir la phrase que Charles de Gaulle aurait prononcée – il y a controverse sur la paternité de cette citation: «Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche».

Mme Caroline Persoons (DéFI). – Merci au ministre pour sa réponse. Il me semble toutefois ne pas avoir entendu de réponse à l’une de mes questions. Une collaboration est-elle, d’une façon ou d’une autre, prévue avec le niveau fédéral afin d’impliquer les établissements scientifiques fédéraux?

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – J’ai répondu que les établissements publics fédéraux étaient éligibles en collaboration avec les équipes universitaires.

Mme Caroline Persoons (DéFI). – Je vous remercie, j’ai été distraite. Je me réjouis de cet accord qui sera sans doute porté à notre connaissance à un moment donné. Il me semble surtout essentiel qu’il n’y ait pas de césure entre les programmes, afin de pouvoir poursuivre sur les bonnes lancées antérieures.

Mme Catherine Moureaux (PS). – Félicitations pour cet accord intervenu, Monsieur le Ministre. À l’instar de ma collègue, Caroline Persoons, j’insiste sur l’idée qu’il importe, pour les chercheurs et pour la recherche dans son ensemble, d’éviter la césure.

J’attire également l’attention sur le fait que, dans le cadre des procédures habituelles du FNRS, une série de chercheurs regrettent que les délais d’ouverture des appels à projets soient trop courts et transmis tardivement. Il est très important – plus encore peut-être pour les programmes interuniversitaires – de pouvoir disposer d’un délai suffisamment long pour préparer les projets. Cette mesure permettrait d’augmenter la qualité des projets et de mettre sur un pied d’égalité les petites et les plus grandes équipes.

Concernant la réalisation d’un peer review au niveau international, vous n’avez pas fourni d’éclaircissement. Je souhaiterais avoir des précisions sur la façon dont s’opérera la sélection.

M. Philippe Henry (Ecolo). – Vous n’avez pas évoqué l’accord de coopération. Un tel accord est-il prévu? Il me semble qu’il faudrait passer par un tel accord, mais peut-être en sera-t-il question dans les mois à venir. Bien que je n’aie pas encore connaissance de son contenu précis ni de son suivi, je me réjouis du principe de l’accord.

Vous disiez que certains s’étaient réveillés un peu tard concernant la réforme de l’État, ce qui est vrai et ce qui est souvent le cas. Cependant, il est un peu paradoxal de devoir reconstruire entre les Communautés ce qui a été déconstruit.

Ce qui est positif, c’est que ces mesures puissent être poursuivies sous une autre forme et qu’un accord ait été possible. Le diable se cachant dans les détails, j’espère qu’il n’y aura pas de mauvaise surprise quant aux critères et aux modalités de l’appel. En tout cas, la procédure est désormais connue. Nous pourrons donc suivre ce dossier dans les prochains mois.