Un bijou dans un écrin exceptionnel

Ce qui frappe immédiatement le visiteur à Al Hoceima, c’est la beauté à couper le souffle de la baie. Côte déchiquetée, falaises majestueuses aux strates apparentes, eau bleu lagon, petites îles paradisiaques, la région rappelle un peu à l’européen la Bretagne, mais sous un soleil brillant constant.

La ville est également magnifique ! Perchée sur la falaise, ruisselant par de petites routes sur ses plages, composée harmonieusement de petites maisons, presque troglodytes, d’un beau dégradé du blanc au bordeaux, la ville semble accueillir chaleureusement ses visiteurs.

Ce n’est pas pour rien qu’elle a été classée plus belle ville du Maroc et 7ième plus belle baie au monde par le guide mondial des cités urbaines !

En y regardant de plus près, le charme de la baie est aussi dû à sa qualité de boisement. Les falaises alternent avec de beaux bocages indemnes et donnent l’apparence d’une perle travaillée dans un écrin sauvage.

 

Des forces et des faiblesses fort liées à la géographie

Il faut ajouter à ce tableau de la terre d’Al Hoceima sa situation géographique pour ainsi dire « à cheval » sur deux plaques tectoniques, ce qui régulièrement  y provoque des tremblements de terre. Ainsi la région a connu en 1994, 2004 et 2014 des secousses telluriques. En février 2004, c’est un séisme de magnitude de 6,3 sur l’échelle de Richter (!) qui avait frappé la ville ! Plus de 600 personnes y avaient trouvé la mort et bien sûr les bâtiments et les routes avaient été fortement endommagés. Pour rappel une partie de notre équipe avait commencé le travail de coopération internationale à ce moment-là.

Mais la situation particulière d’Al Hoceima au milieu de la côte méditerranéenne du Maroc alliée à son enclavement terrestre dans une montagne difficile à franchir en ont aussi fait un site stratégique pour la contrebande, le passage du haschich cultivé dans les montagnes et  celui des migrants attirés par le rêve européen. Aujourd’hui les revenus liés à la culture du kif (le haschich) tendent à diminuer et les autorités évoquent un projet pilote de remplacement de celle-ci par la culture du safran.

Enfin, la nature relativement  préservée de la baie jusqu’ici abrite une biodiversité impressionnante : des espèces tout-à-fait spécifiques ne se retrouvent que dans la région. Ainsi par exemple du mérou d’Al Hoceima, ou du fameux « negro », le dauphin noir connu pour ses destructions de filets, dont les autorités locales et un patriarche rencontrés nous ont beaucoup parlé.

C’est que la localisation géographique d’Al Hoceima et sa beauté sont ses plus grandes forces comme ses plus grandes faiblesses.

La région n’a pas d’énergie fossile ou de diamants. Elle a des terres arables mais elles sont difficiles d’atteinte, enclavées dans la montagne, et le déboisement a laissé partir l’eau, les sols ont l’air riche mais le manque d’eau rend la terre dure à cultiver. Par le passé l’agriculture faisait vivre la région. Pas question même de pêcher. Aujourd’hui il semble d’après  plusieurs témoignages que beaucoup de fermiers ont quitté leurs hameaux. Et que la ville ne donne pas assez de travail pour tout le monde.

Al Hoceima a des paysages merveilleux à offrir au tourisme. Mais le représentant du PJD et les autorités locales insistent sur le fait que les investisseurs ont peur des tremblements de terre. Et les habitants veulent préserver la biodiversité. Une habitante d’une trentaine d’années raconte :

« Dans mon enfance, tout était vert. Je suis effrayée maintenant par le développement de la ville dans les zones vertes. »

L’accaparement des terres et les relations avec l’Europe

Elle avait beaucoup de petits propriétaires terriens. L’Etat en a délogé une partie pour des projets immobiliers ou pour loger l’armée. L’accaparement des terres, au profit des étrangers, des riches ou des militaires, remplit bien des conversations dans la région.

L’ex-président de la commune d’Ajdir, socialiste, nous raconte par exemple comment une grande partie des terres collectives du village ont été données en gestion à la CGD (société immobilière de gestion) pour intégrer un grand programme de développement qui a finalement abouti dans la construction d’un hôtel. Pour lui, cet hôtel n’est pas un projet de développement qui sert bien sa communauté. Al Hoceima est en fait au front de la lutte anticapitaliste et écologiste !

Al Hoceima est proche de l’Europe, elle a vécu beaucoup de ses expatriés. Mais la crise frappe en Europe aussi et les liens se sont parfois distendus avec les familles restées au pays.

Enfin, sa situation géographique la met évidemment à l’avant-poste des relations entre l’Union européenne et l’Afrique, un front à part entière aujourd’hui, que ce soit en matière de collaboration judiciaire sur le thème du trafic de drogue, en terme d’échanges commerciaux, ou en terme de gestion des flux de migration !